Tuesday, December 02, 2025

« Celui qui a vu a rendu témoignage, et son témoignage est vrai ; et il sait qu'il dit vrai, afin que vous croyiez aussi »

 


1. Les Évangiles comme « Mémoires des Apôtres »

Le cœur des écrits chrétiens sur la vie de Jésus réside dans les quatre Évangiles canoniques (Matthieu, Marc, Luc et Jean). La tradition chrétienne et une partie de l'érudition historico-critique les lient directement ou indirectement aux témoins oculaires :

  • Témoins Oculaires Directs (selon la tradition)

    • Matthieu (Apôtre) : Traditionnellement attribué à Matthieu, un des Douze, donc un témoin direct de l'ensemble du ministère de Jésus.

    • Jean (Apôtre) : L'Évangile de Jean (souvent appelé le « disciple que Jésus aimait ») se présente explicitement comme le témoignage d'un témoin oculaire : « Celui qui a vu a rendu témoignage, et son témoignage est vrai ; et il sait qu'il dit vrai, afin que vous croyiez aussi » (Jean 19:35).

  • Compilateurs basés sur des Témoignages Oculaires

    • Marc (Disciple de Pierre) : La tradition la plus ancienne (Papias, vers 125 ap. J.-C.) indique que Marc a écrit ce qu'il a entendu de Pierre (l'un des apôtres et témoin direct). L'Évangile de Marc est donc souvent considéré comme le reflet des prédications de Pierre.

    • Luc (Compagnon de Paul) : Luc commence son Évangile en déclarant qu'il a « fait des recherches exactes sur toutes choses depuis les origines » auprès des « témoins oculaires et des serviteurs de la parole » (Luc 1:1-4). Luc n'était pas un apôtre, mais il a compilé les récits et enseignements des témoins directs.


2. Le défi de la Citation : Jésus VS la Bible

Vous avez entièrement raison de soulever la distinction cruciale :

Citer « la Bible » n'a pas vraiment de sens (pour les paroles de Jésus).

  • Le Problème : Lorsque l'on cite un verset du Nouveau Testament, on cite souvent un écrit qui date de 20 à 70 ans après les événements. Ces écrits (les Évangiles, les Épîtres de Paul, etc.) ne sont pas le discours ipsissima verba (les paroles exactes) de Jésus, mais la mémoire théologique et rédactionnelle des paroles et des actes de Jésus, transmise d'abord oralement, puis consignée.

  • La Solution : C'est pour cela que les historiens et les exégètes se concentrent sur la tradition de la Source Q (une source hypothétique de paroles de Jésus utilisée par Matthieu et Luc), et sur ce que l'on appelle le Jésus historique, en appliquant des critères d'historicité (comme l'attestation multiple ou la dissemblance) pour tenter de distinguer les paroles les plus probablement prononcées par Jésus de celles développées par la tradition de l'Église primitive.

3. Les Épîtres de Paul : Un cas particulier

Les Épîtres de Paul (les plus anciens écrits du Nouveau Testament, rédigés vers 50-60 ap. J.-C.) sont la "Bible" des premières communautés.

  • Paul n'est pas un témoin oculaire du ministère terrestre de Jésus.

  • Il fonde son autorité sur une vision du Christ ressuscité (sur le chemin de Damas) et sur les traditions qu'il a reçues des apôtres à Jérusalem.

  • C'est pourquoi il fait référence à « ce que j'ai reçu du Seigneur » (1 Corinthiens 11:23) pour décrire des événements comme la Cène, confirmant que ses paroles sont basées sur une transmission antérieure (les témoins).


En conclusion, votre approche est tout à fait valable. La valeur des textes du Nouveau Testament, pour connaître l'enseignement de Jésus, repose sur leur lien, même indirect, avec la mémoire des témoins oculaires de son ministère.

Le rejet de la Réincarnation

Malgré ces convergences culturelles, l'Église primitive a clairement rejeté la réincarnation pour privilégier la doctrine juive de la Résurrection.

  • Le Corps est Bon : Le christianisme considère que le corps humain n'est pas une "prison" maléfique, mais une création de Dieu, destinée à être rachetée et ressuscitée (Doctrine de l'Incarnation : Dieu s'est fait homme, corps et âme).

  • Rachat Unique : L'idée que le salut soit acquis par un cycle de purifications successives (comme le karma chez les Orphiques) est incompatible avec l'idée chrétienne d'une Rédemption unique et définitive offerte par le sacrifice du Christ sur la croix.


En conclusion, si des idées orphiques (dualisme corps-âme, nécessité de purification) ont pu teinter certaines philosophies chrétiennes anciennes, le dogme chrétien fondamental a toujours rejeté la réincarnation, la jugeant incompatible avec les notions de Résurrection et de Rédemption unique du Christ.

C'est une affirmation qui a du poids ! Vous avez raison de dire que l'expression « une seule vie » n'est pas une phrase prononcée par Jésus et ne figure pas textuellement dans les Évangiles.

La doctrine chrétienne de la « vie unique » suivie du jugement et de la résurrection est, en effet, une construction théologique élaborée par les apôtres et l'Église primitive, qui interprétaient et systématisaient l'ensemble de l'enseignement de Jésus, en continuité avec la tradition juive et en opposition aux doctrines hellénistiques comme la réincarnation.

Voici comment cette construction s'articule à partir des textes :


1. L'héritage juif : Le contexte de Jésus

L'enseignement de Jésus prend racine dans le Judaïsme du Second Temple, qui, même s'il connaissait des débats (Sadducéens contre Pharisiens), privilégiait l'idée de la résurrection des corps à la fin des temps et non la réincarnation.

  • Le Jugement Final : L'accent était mis sur une vie terrestre unique dont dépendrait le sort final de l'âme après le jugement. Jésus reprend et radicalise cette idée (paraboles du jugement, de Lazare et du riche, etc.).


2. Le silence de Jésus et la déduction théologique

Jésus ne nie pas explicitement la réincarnation, mais ses enseignements conduisent naturellement à la doctrine de la vie unique :

  • Le Royaume de Dieu est Immédiat : L'enseignement central de Jésus concerne l'urgence de se convertir maintenant en vue de l'entrée dans le Royaume de Dieu. La notion de vies successives affaiblirait cette urgence.

  • La Résurrection : Quand les Sadducéens interrogent Jésus sur la femme qui a eu sept maris (Matthieu 22:23-33), Jésus répond que dans la Résurrection, les humains ne se marieront plus, car ils seront comme les anges. Le sort final se joue donc après cette vie, et non pendant une autre vie terrestre.


3. La Formulation par les Apôtres : L'Étape Cruciale

L'idée est systématisée dans les écrits des apôtres, qui sont les premiers théologiens du christianisme :

  • L'Épître aux Hébreux : Comme mentionné précédemment, le verset d'Hébreux 9:27 est la formulation la plus claire de cette construction théologique : « il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement. »

    • Implication : Cette formulation exclut clairement la possibilité de revenir sur terre pour une nouvelle vie (réincarnation) et affirme le caractère unique et définitif de l'existence terrestre face au jugement.

  • Paul et le Christ Unique : Saint Paul insiste sur le fait que le Christ est mort « une fois pour toutes » pour racheter l'humanité (Romains 6:10). Si le Christ n'a eu besoin que d'une seule mort pour sauver l'humanité, l'âme humaine n'a besoin que d'une seule vie pour être jugée et sauvée.


Conclusion : Vous avez raison, l'idée de la « seule vie » n'est pas une citation directe de Jésus. C'est une déduction théologique précoce et une systématisation (principalement dans l'Épître aux Hébreux) qui fut nécessaire pour distinguer clairement le christianisme, avec sa doctrine de la Résurrection, des philosophies grecques environnantes (orphisme, platonisme) qui soutenaient la Réincarnation.

Voici pourquoi la mort de Jean à Éphèse, malgré la rumeur, ne prouve pas la réincarnation dans le contexte chrétien :


1. L'Erreur de la Rumeur (Le Démenti Biblique)

Comme nous l'avons établi plus tôt, le texte même de l'Évangile de Jean dément la rumeur :

  • Le texte (Jean 21:23) :

    « Là-dessus, le bruit courut parmi les frères que ce disciple ne mourrait point. Cependant Jésus n'avait pas dit à Pierre qu'il ne mourrait point ; mais : Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe ? »

  • Conséquence : Puisque le texte canonique affirme que la rumeur est fausse, la mort de Jean à Éphèse (fait admis par la tradition) ne fait que confirmer que l'interprétation de la parole de Jésus par les disciples était erronée.

    • Si la rumeur était vraie (Jean ne meurt pas), la mort de Jean serait un problème théologique majeur.

    • Puisque la rumeur est fausse (Jean meurt), sa mort est normale et conforme à ce que Jésus a réellement voulu dire : la question de son sort ne regardait pas Pierre.


2. Le « Rester sur Terre » dans le Contexte Chrétien

L'expression « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne » n'est pas interprétée comme un cycle de vies, mais de deux manières principales dans la théologie :

  • Interprétation 1 : Demeurer dans la foi / dans le ministère. Le « demeurer » est vu comme le fait de rester fidèle à la mission et de continuer son ministère (être un pilier de l'Église) jusqu'à la fin de sa vie naturelle. Jean est traditionnellement considéré comme le seul apôtre à être mort de vieillesse, ayant vu la fin du Ier siècle, et ayant beaucoup écrit (Évangile, Épîtres, Apocalypse).

  • Interprétation 2 : Une Longue Vie. Jésus voulait peut-être simplement dire que Jean vivrait exceptionnellement longtemps. Jean serait ainsi celui qui « resterait » pour guider la première génération de l'Église, un sens qu'il a effectivement rempli.

En aucun cas le « demeurer » n'est interprété comme :

  1. Une survie physique continue sur des siècles (comme le mythe du Juif errant).

  2. Un cycle de réincarnations.


3. Pourquoi la Réincarnation n'est pas la réponse théologique

Si Jean devait "rester sur terre" par réincarnation :

  • L'âme de Jean aurait dû naître dans un nouveau corps. Elle ne serait plus l'apôtre Jean, mais une nouvelle personne.

  • Ceci contredirait la doctrine de la Résurrection, où l'âme reçoit un corps glorieux au retour du Christ, et non un corps terrestre pour une nouvelle vie de péché et de jugement.

Conclusion : La mort de Jean à Éphèse ne prouve rien de plus que le fait qu'il était un homme mortel, ce qui valide le démenti biblique de la rumeur et maintient la cohérence de la doctrine chrétienne de la vie unique suivie de la Résurrection.

Vous avez parfaitement raison de souligner la contradiction si l'on prend à la fois la rumeur et la mort historique de Jean au pied de la lettre ! 🧐

C'est précisément l'écart entre la rumeur populaire et la réalité historique (la mort de Jean à Éphèse) qui a obligé l'auteur de l'Évangile de Jean, ou le rédacteur final, à intervenir dans le texte pour corriger la rumeur.

Votre observation met en lumière la nécessité de distinguer :

  1. La Parole Ambiguë de Jésus

  2. L'Interprétation (la rumeur)

  3. La Correction (la théologie dans le texte)


La Théologie qui ne S'Éloigne PAS du Texte

Votre conclusion que la théologie s'éloigne du texte de Jean est réfutée par le fait que la correction théologique est intégrée dans le texte de Jean lui-même :

1. La Parole de Jésus (L'Ambigüité)

Jésus dit :

« Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe ? Toi, suis-moi. » (Jean 21:22)

Cette parole est ambiguë. "Demeurer" peut signifier rester en vie, ou rester fidèle, ou rester au même endroit, etc.


2. La Rumeur (L'Interprétation Littérale Faussée)

L'interprétation immédiate des disciples a été :

« Là-dessus, le bruit courut parmi les frères que ce disciple ne mourrait point... » (Jean 21:23a)

Si Jean meurt à Éphèse, cela prouve que cette rumeur était fausse. C'est le point que vous soulignez avec justesse ! S'il était resté en vie, il n'aurait pas pu mourir.


3. La Correction Théologique (La Précision du Rédacteur)

Le rédacteur de l'Évangile (qui écrit après l'événement de la rumeur et probablement après la mort de Jean) intervient immédiatement pour corriger la fausse interprétation :

« Cependant Jésus n'avait pas dit à Pierre qu'il ne mourrait point ; mais : Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe ? » (Jean 21:23b)

C'est ici que la théologie se crée et se fixe dans le texte même : elle nie la validité de la rumeur littérale.

Le texte de Jean est le témoin du débat sur l'interprétation de la parole de Jésus :

  • Le texte reconnaît l'existence de la rumeur.

  • Le texte contredit directement et officiellement la rumeur.

Par conséquent, la mort de Jean à Éphèse confirme l'interprétation théologique donnée dans l'Évangile de Jean (la rumeur était fausse), au lieu de la contredire.


Jean et la Réincarnation

Comme la rumeur a été invalidée par l'auteur biblique lui-même (et par la mort historique de Jean), elle ne peut pas servir de base à la doctrine de la réincarnation, car l'idée de la réincarnation contredit d'autres enseignements fondamentaux de ces mêmes textes (la Résurrection unique et le Jugement, comme nous l'avons vu).

C'est une lecture qui place l'interprétation du texte de Jean dans le cadre des philosophies dualistes de l'Antiquité (notamment l'orphisme et le platonisme) plutôt que dans la tradition juive et la théologie chrétienne orthodoxe.

Vous proposez ici une synthèse cohérente entre l'énigme de Jean et l'idée de réincarnation, en vous appuyant sur une conception bien établie dans le monde antique :

  • Prémisse 1 (Orphique/Platonicienne) : Le corps est un véhicule ou une tombe ($\sigma\tilde{\omega}\mu \alpha$ / $\sigma\tilde{\eta}\mu \alpha$) pour l'âme.

  • Prémisse 2 (Réincarnation) : L'âme passe dans de nouveaux corps.

  • Conclusion appliquée à Jean : L'âme de Jean n'est jamais vraiment partie et continuera à se réincarner jusqu'à l'avènement du Christ, remplissant ainsi la parole de Jésus (« Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne »).


Analyse de cette interprétation face au Canon Chrétien

Cette explication est la plus logique si l'on adopte le cadre métaphysique orphique/platonicien. Cependant, elle est en rupture fondamentale avec les dogmes qui ont structuré le Nouveau Testament et le christianisme orthodoxe :

1. La Nature du Corps

L'idée que le corps est une « tombe » est l'un des points de désaccord majeurs entre la pensée grecque et la pensée judéo-chrétienne

Pour le christianisme, l'incarnation de Dieu en Jésus (le Verbe fait chair) rend le corps digne et racheté, excluant la notion de « tombe » ou de simple véhicule jetable.

2. L'Exclusion Dogmatique

Historiquement, la construction théologique de la « vie unique » est devenue dogmatique, précisément pour éliminer cette meilleure explication philosophique.

  • L'idée de la réincarnation a été associée à des mouvements que l'Église a condamnés comme hérétiques (notamment le gnosticisme, qui avait aussi un fort dualisme corps/esprit).

  • Bien que l'idée ait pu exister dans certaines franges du christianisme primitif (on pense parfois à des écrits d'Origène qui évoquent la préexistence des âmes), elle a été officiellement rejetée par les conciles ultérieurs (notamment en 553 ap. J.-C., même si le rôle exact de ce concile dans l'interdiction de l'origénisme fait débat).

3. La Correction dans le Texte

Finalement, l'évidence historique (la mort de Jean) et le besoin de clarté théologique ont conduit les rédacteurs de l'Évangile à trancher en faveur de la doctrine de la vie unique : le texte lui-même de Jean 21:23 neutralise l'interprétation littérale de la survie ou du retour de Jean.

En résumé : Votre interprétation est une excellente manière de réconcilier la parole de Jésus et la mort de Jean au moyen d'un système philosophique antique cohérent (l'orphisme/platonisme). Cependant, elle nécessite de rejeter la perspective anthropologique (la vision du corps) que le christianisme a formalisée dans ses dogmes à partir des autres écrits bibliques (Paul et Hébreux), qui insistent sur la Résurrection et l'unicité de l'existence.

Paul est un âne qui a peut être fait beaucoup de tords avec sa théologie très sectaire qui a conduit a l'inquisition.

C'est une critique sévère et fréquente de l'Apôtre Paul ! Elle exprime un point de vue qui accuse la théologie paulinienne d'avoir durci le message de Jésus, le rendant plus dogmatique et potentiellement intolérant.

Voici une analyse de cette accusation, en distinguant l'impact réel de Paul et les développements historiques ultérieurs :


1. La Critique de la Théologie Paulinienne (Le « Tord »)

L'argument selon lequel Paul a fait du tort au christianisme repose souvent sur les points suivants :

  • Le Dogmatisme de la Loi et de la Grâce : Paul, un ancien Pharisien rigoureux, a développé une théologie très structurée axée sur la Justification par la foi et le rejet de l'ancienne Loi. Pour ses critiques, cette insistance sur une seule voie de salut (par le Christ seul, tel qu'interprété par Paul) est intrinsèquement sectaire et exclusive.

  • L'Anti-Judaïsme : Certaines interprétations de ses écrits sur le rejet de la Loi mosaïque ont été utilisées pour justifier des attitudes anti-juives au fil des siècles, même si Paul lui-même était juif et affirmait que Dieu n'avait pas rejeté Israël (Romains 11).

  • Les Questions Sociales : Ses propos sur le rôle des femmes dans l'Église et l'obéissance aux autorités sont souvent vus comme des éléments conservateurs et rigides qui ont figé des structures sociales.


2. Le Rôle Réel de Paul (Le Propagateur)

Il est historiquement établi que sans Paul (Saul de Tarse), le christianisme serait probablement resté une petite secte juive en Palestine :

  • L'Universalisation : Paul est celui qui a ouvert le christianisme aux non-Juifs (les Gentils) sans leur imposer la circoncision ou toute la Loi de Moïse. C'est le pas décisif qui a transformé la secte en religion mondiale.

  • Le Fondement Théologique : Ses lettres sont les plus anciens écrits du Nouveau Testament (rédigées avant les Évangiles). Elles définissent des concepts fondamentaux comme la Rédemption, la Grâce, le Corps du Christ (l'Église) et la Résurrection. Il a jeté les bases de la théologie chrétienne.


3. Paul et l'Inquisition (La Causalité Historique)

Lier directement la théologie de Paul à l'Inquisition est une raccourci historique qui ne tient pas compte de l'évolution du pouvoir et de la doctrine sur plus d'un millénaire.

  • Le Délai de Temps : L'Inquisition (médiévale) a été instituée au XIIIe siècle (plus de 1200 ans après Paul). L'Inquisition espagnole est encore plus tardive (XVe siècle).

  • Le Facteur Manquant : Le Pouvoir d'État : L'Inquisition n'est pas le produit de la théologie paulinienne seule, mais de la fusion du christianisme avec le pouvoir politique de l'Empire romain (Constantin, IVe siècle) et des États médiévaux. L'Inquisition était un instrument de l'État et de l'Église visant l'unité politique et religieuse.

  • Les Citations Sélèctives : Les Inquisiteurs et les théologiens de l'intolérance ont puisé dans tous les textes bibliques pour justifier leurs actes, y compris dans l'Ancien Testament. Ils ont utilisé des passages de Paul (comme ses anathèmes contre les hérésies) en les sortant de leur contexte initial de pure excommunication religieuse pour les appliquer à la persécution physique et étatique.

En conclusion : L'idée que Paul est un « âne » dont la théologie a conduit à l'Inquisition est une critique philosophique puissante qui dénonce l'exclusivisme paulinien. Cependant, historiquement, l'Inquisition est le résultat d'une institutionnalisation et d'une politisation de la religion qui s'est produite plus d'un millénaire après la mort de Paul. Son influence a été immense, servant à la fois à diffuser le message de Jésus et à structurer des doctrines qui pouvaient être détournées ou rigidifiées par des institutions ultérieures.

Vous mettez le doigt sur une tension théologique majeure entre l'Évangile de Jean et les Épîtres de Paul ! 🧐

L'affirmation selon laquelle « Jean et Paul sont totalement incompatibles » est un point de vue fort et très intéressant qui se base sur le rôle du Logos dans l'Évangile de Jean.

Voici une analyse pour comprendre cette apparente incompatibilité :


1. Le Commencement et le Logos (Jean)

L'Évangile de Jean commence par une affirmation d'inspiration grecque, philosophique, et non directement hébraïque :

« Au commencement était le Verbe (le Logos), et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. » (Jean 1:1)

  • L'Héritage Grec : Le terme grec Logos ($\Lambda$ó$\gamma$o$\varsigma$) a une longue histoire dans la philosophie grecque (Héraclite, Stoïciens). Il signifie à la fois la Parole, la Raison, la Structure cosmique, ou le Principe ordonnateur de l'univers.

  • L'Héritage Juif (Alexandrin) : L'auteur de Jean s'inspire probablement de Philon d'Alexandrie, un philosophe juif contemporain de Jésus, qui utilisait déjà le Logos pour désigner l'intermédiaire entre le Dieu transcendant et le monde matériel.

  • L'Objectif de Jean : En utilisant le Logos, Jean s'adresse au monde hellénisé et affirme immédiatement que Jésus-Christ est cette Raison divine qui s'est incarnée (« Le Verbe s'est fait chair », Jean 1:14). Son point de départ est cosmique et philosophique.


2. Le Point de Départ de Paul (La Croix)

La théologie de Paul, au contraire, ne commence pas par une spéculation philosophique sur le cosmos, mais par un événement historique et scandaleux : la crucifixion de Jésus.

  • Le Message Central : Le cœur de la théologie paulinienne est la Croix et la Résurrection. Paul insiste sur le fait que le salut vient uniquement par la foi en la mort et la résurrection du Christ.

  • Le Rejet de la Sagesse Grecque : Paul se méfie explicitement de la sagesse humaine ou philosophique (le Logos) :

    « Nous, nous prêchons Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens [les Grecs]... » (1 Corinthiens 1:23)

Pour Paul, la « sagesse » grecque ne peut pas saisir le mystère de Dieu. Il privilégie le Kerygme (la proclamation) de l'événement de la Croix, qui est l'antithèse de la Raison ordonnée.


3. Incompatibilité Totale ou Complémentarité ?

L'incompatibilité est réelle au niveau de l'approche et du vocabulaire initial :

  • Jean : Démarre de l'universel (Logos) vers le particulier (Jésus de Nazareth). Théologie de la Gloire.

  • Paul : Démarre du particulier (la Croix à Jérusalem) vers l'universel (le salut pour tous). Théologie de la Croix.

En définitive, Paul construit une théologie du salut (comment l'homme est sauvé), tandis que Jean construit une théologie de l'identité (qui est Jésus). Ils ont permis au christianisme de parler à la fois aux esprits sensibles à la spéculation philosophique (le Logos) et à ceux qui réclamaient la puissance de Dieu dans l'histoire (la Croix).

C'est une perspective fascinante qui vise à concilier l'énigme de l'apôtre Jean avec les concepts philosophiques du Logos et de la métempsycose (réincarnation), en ignorant la systématisation théologique ultérieure. Cette approche permet de construire une narration cohérente où l'âme de Jean est un agent cosmique.


Le Périple de l'Âme de Jean : Une Interprétation Orphico-Johannique

Au commencement, avant le temps et avant la matière, l'âme de Jean n'était pas un vide, mais une parcelle de l'Esprit Universel, soumise aux cycles de purification dictés par le grand ordre du cosmos – ce que l'on pourrait appeler l'ordre orphique. Selon cette vision, l'âme est divine, prisonnière du corps, et cherche sans cesse à briser le cycle des renaissances pour retrouver sa source originelle.

Le moment décisif survient avec l'Incarnation du Logos. Le Logos n'est pas seulement la Parole de Dieu ; c'est le Principe Ordinateur du monde, la Raison divine qui donne forme à toute chose. Quand Jean commence son Évangile par cette affirmation cosmique – « Au commencement était le Logos » – il ne fait pas qu'un emprunt littéraire aux Grecs ; il établit la règle du jeu. L'âme de Jean, dans son cycle de réincarnations, est attirée par la manifestation de la Lumière pure, car elle a perçu que cette incarnation du Logos était l'occasion unique d'achever sa purification et de sortir de la roue de la Nécessité.

C'est ainsi que l'âme de Jean s'incarne en Galilée pour devenir l'apôtre, le disciple qui voit et rend témoignage. Il est celui qui, par la proximité avec le Logos incarné, peut se rapprocher de la Vérité. Le Logos, en tant que Christ, accomplit son œuvre rédemptrice sur la croix, brise les chaînes de la mort par la Résurrection, et remonte à sa source céleste.

Or, la parole énigmatique du Christ – « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe ? » (Jean 21:22) – devient la clé de la destinée de cette âme. Le Christ, connaissant les cycles cosmiques auxquels l'âme de Jean est soumise, ne lui promet pas l'immortalité physique, mais une mission réincarnationnelle : l'âme de Jean doit rester dans le domaine terrestre (dans le cycle de la métempsycose) pour guider et éclairer, jusqu'à ce que le Logos revienne mettre un terme au temps et à la matière.

La mort de Jean à Éphèse, loin d'être une contradiction, est simplement le moment où le véhicule (le corps, la « tombe ») s'use. L'âme, ayant temporairement échoué à atteindre la libération totale au moment du premier Avènement (elle doit encore « demeurer »), se réincarne immédiatement. Elle reprendra forme dans un nouveau corps, une nouvelle génération, pour continuer à veiller sur l'Église et le monde, porteur de la lumière du Logos, en attendant Sa seconde venue.

L'âme de Jean est donc une veilleuse cosmique, liée par un pacte divin à la Terre. Elle s'incarnera et se désincarnera, restant toujours présente, jusqu'au jour où le Logos réintégrera pleinement le monde. À ce moment-là seulement, l'âme de Jean aura accompli son ultime mission et pourra, elle aussi, se libérer définitivement du cycle terrestre de la réincarnation.